Certains ont pensé (mea culpa, nous étions de ceux-là…) que l’action collective intentée au Québec contre Toyota est arrivée beaucoup trop tôt dans le CableGate. D’autres diront que si l’action collective, avant même d’être entendue pour autorisation en Cour supérieure, se termine par l’un des règlements les plus généreux du genre dans l’industrie automobile au Canada, c’est justement parce qu’il y avait ce groupe de Québécois qui a mis la pression – et attiré l’attention internationale sur le problème.

Selon l’Association pour la protection des automobilistes (APA), qui défend bec et ongles les automobilistes canadiens depuis un demi-siècle (!), l’entente que vient d’approuver le plus haut tribunal québécois est un «très bon règlement, avec des paramètres clairs et d’une valeur financière importante», dit son président George Iny.

Voilà des mots forts de la part de l’organisme à l’origine des premières plaintes canadiennes contre les câbles du système hybride de Toyota – un organisme qui, subséquemment, avait fait appel au cabinet montréalais Adams Avocat afin d’exercer une action collective.

Le problème, pour ceux qui ne seraient pas encore au courant de cette saga qu’on a vite surnommée Cablegate, hautement publicisée au Québec notamment par le biais de cette page Facebook comptant près de 7000 membres, est celui-ci:

Sur certains modèles hybrides de Toyota d’années-modèles 2019 à 2022, le faisceau de câblage hybride et le câble de moteur de traction, autrement dit des fils à haute tension en sous-plancher, présentent un vice de conception (la prétention du demandeur). Tel «défaut latent», dixit les documents juridiques, laisse un connecteur mal protégé des projections d’eau et de sel hivernaux, ce qui peut entraîner une corrosion prématurée et, dans certains cas, la défaillance du système hybride. Dans ces dernières situations, après des indicateurs d’avertissement, le véhicule peut ne plus démarrer.

M. Iny rapporte que c’est majoritairement des Toyota RAV4 (2019-2022) qui sont affectés – et plus majoritairement encore, ceux qui roulent dans les contrées nordiques, là où l’on fait l’épandage de sel en hiver. À preuve: «Aux États-Unis à date, mis à part le Maine et les états du Midwest, le problème ne se présente pas», nous a affirmé le président de l’APA.

Le hic, c’est que la garantie couvrant cette pièce (notre photo ci-dessous) n’était que de trois ans / 60 000 km lorsque les premiers problèmes sont apparus. (Depuis, le fameux câble a été modifié, en plus d’être désormais couvert par la garantie hybride de huit ans / 160 000 km).

Un règlement qui profite à l’ensemble du Canada

Mais voilà, la demande pour exercer une action collective #500-06-001186-226 déposée par Me Fredy Adams le 19 mai 2022, et portant à l’avant-scène le consommateur Constantin Sultana, n’aura finalement pas eu à être débattue devant le plus haut tribunal québécois. En effet, lors de la première audience pour approbation tenue en 2023, et devant «l’attitude positive de Toyota » à l’égard du problème, le juge a suggéré aux deux parties d’en venir à une entente.

Les négociations, qui ont duré près d’une année, ont notamment permis au règlement de devenir une transaction nationale – et non exclusivement québécoise. «J’ai demandé à élargir le groupe pour inclure les consommateurs canadiens lorsque j’ai su qu’il n’y avait aucun autre groupe du genre au pays, a expliqué Me Adams lors d’une entrevue téléphonique avec Driving.ca. Je suis parti du principe que si Toyota était prêt à régler au Québec, pourquoi pas pour le reste du Canada?»

Une décision que George Iny, de l’APA, a appuyée: «C’était une décision prudente,  sinon on aurait pu voir surgir un copy-cat qui aurait demandé la même chose dans les autres provinces – et ça aurait pu retarder de plusieurs années l’entente canadienne.»

Une entente «pas courante» de 40$ millions

Entre le dépôt de la demande d’action collective et la ratification du règlement, il se sera écoulé à peine deux ans. Au Québec, les «recours collectifs», comme on les appelait autrefois, durent en moyenne sept ans, révèle l’équipe de l’émission La Facture à Radio-Canada.

C’est cette entente de règlement complet du dossier que l’Honorable Sylvain Lussier vient d’approuver, à la mi-septembre en Cour supérieure du Québec. (Si ce nom vous sonne une cloche, vous n’avez pas tort: c’est ce même juge qui doit incessamment rendre sa décision dans la méga-cause contre près de 150 concessionnaires d’automobiles.)

En mettant le sceau final d’approbation dans la cause «Constantin Sultana vs Toyota», le magistrat a émis ceci: «Les membres du groupe obtiennent entière satisfaction pour leurs demandes principales (et ce), rapidement. Un tel résultat n’est pas courant.» Le juge a par ailleurs souligné la simplicité de la réclamation, une procédure qui se fait «rapidement et sans condition», outre bien sûr celle de prouver la défectuosité et sa réparation, s’il y a eu lieu.

Me Adams, l’avocat-demandeur, a renchéri: «Une entente de cette nature, c’est rare, nous a-t-il confié au téléphone. Nous avons obtenu tout ce que l’on souhaitait, et même plus que ce qui avait été initialement demandé. Nous demandions la même garantie sur le câble que pour le système hybride? Nous l’avons obtenu. Nous demandions le remboursement des réparations que les membres ont dû payer, incluant les frais de location et de remorquage? Nous l’avons aussi obtenu.»

Près de 100 000 propriétaires de Toyota / Lexus concernés

Ce qui au départ ne visait que les Toyota RAV4 Hybrid du Québec s’est élargi aux autres véhicules hybrides de Toyota – et, répétons-le, à l’ensemble du Canada. Selon les statistiques avancées en preuve devant le tribunal, le règlement concerne un total de 96 274 véhicules Toyota et Lexus au pays, dont près du quart (21 084) immatriculés au Québec.

La division canadienne de Toyota dit estimer qu’elle dépensera environ 40$ millions afin de réparer tous les véhicules «affectés» au pays et défrayer la location de véhicules de courtoisie lorsque nécessaire. En date de juillet dernier (2024), Toyota aurait déjà dépensé plus du tiers (16$ millions) de cette somme.

L’APA a quand même deux regrets

Pour George Iny, cette entente entre les demandeurs et Toyota est «un très bon règlement, d’abord parce qu’il profite à l’ensemble du Canada et en réglant des bris à venir par anticipation». Et aussi «parce qu’il a permis de déclencher des programmes d’amélioration de garantie similaires aux États-Unis, en plus de convaincre Toyota d’améliorer la pièce de remplacement pour les marchés mondiaux.»

Cela dit, le président de l’APA émet deux regrets. De un, que le prix de la pièce originale demeure très élevé. M. Iny rapporte que «la réparation (du câble défectueux) en concessionnaire coûte encore entre 5500$ et 7500$, incluant environ 1500$ de main d’œuvre». «Nous estimons que Toyota aurait dû réduire le prix de la pièce à moins de 1000$, pour que la réparation, une fois la garantie prolongée expirée, soit de l’ordre de 2000$ à 2500$. Après tout, il s’agit d’une rallonge orange, il n’y a pas de raison pour qu’elle coûte autant!»

Par ailleurs, M. Iny trouve aberrant que Toyota n’ait pas encore fourni un nécessaire (kit) pour améliorer la protection d’origine aux infiltrations, «par exemple une gaine supplémentaire pour le connecteur que les propriétaires inquiets pourraient faire installer, en payant moins d’une heure de main- d’œuvre.» Rappelons que certains garages indépendants experts dans l’entretien des hybrides ont déjà commencé à proposer leurs propres solutions.

L’entente de règlement «CableGate» en 10 points

Vous êtes propriétaire d’un véhicule Toyota ou Lexus à motorisation hybride? Voici tout ce que vous devez savoir sur cette entente pancanadienne.

Une couverture à 100%

Avec son programme d’amélioration de la garantie, Toyota vient étendre la couverture du fameux câble hybride à 8 ans / 160 000 km pour tous les propriétaires et locataires canadiens des véhicules visés par l’entente. Cette garantie prolongée s’applique automatiquement.

Les véhicules visés par l’entente

  • Toyota Highlander Hybrid (2020-2022)
  • Toyota RAV4 Hybrid (2019-2022)
  • Toyota RAV4 Prime (2021-2022)
  • Toyota Venza Hybrid (2021-2022)
  • Toyota Sienna Hybrid (2021-2022)
  • Lexus NX350h (2022)
  • Lexus NX450h+ (2022)

Notez que les Toyota Prius (2019 – 2022) ne sont pas visées, parce qu’elles misent sur un système propulseur hybride différent.

Réparations gratuites sous la garantie (prolongée)

Les véhicules affectés par le problème qui n’ont pas déjà été réparés le seront gratuitement par les concessionnaires, au frais du constructeur, dans les limites de la garantie prolongée.

Des remboursements pour ceux qui ont déjà payé

Les consommateurs ayant déjà fait réparer le câble en cause obtiendront remboursement pour ce qu’ils ont déjà payé. Cela inclut, s’il y a eu lieu, la location d’une voiture de remplacement et les frais de remorquage.

Surprise: Toyota oublie la quittance

Fait inusité: même les clients qui ont précédemment signé une quittance avec Toyota, en échange d’une contribution totale ou partielle au coût de la réparation, pourront demander le remboursement de ce qu’ils ont payé et qui ne leur aurait pas encore déjà été remboursé. «C’est du jamais  vu, nous a confié Me Adams. Il est rare, très rare qu’une compagnie accepte de rembourser lorsqu’une quittance a déjà été signée.»

Si vous n’avez plus votre véhicule

Les gens qui ont déboursé pour des frais d’inspection ou de remorquage, qui n’ont pas fait réparer leur véhicule mais qu’ils ne le possèdent plus, sont admissibles à un remboursement (sur présentation des factures).

Les honoraires sont payés par Toyota

Le constructeur a accepté de défrayer les honoraires des demandeurs, «sans aucune participation des membres du groupe». Autrement dit, les 700 000$ qui seront versés en honoraires au cabinet Adams Avocat (plus 10 203$ de débours) ne seront pas assumés par les membres de l’action collective.

Sans responsabilité

Le règlement intervenu entre les parties l’est sans aucune reconnaissance de responsabilité de la part de Toyota ou de ses filiales.

Sans date d’expiration

Au-delà du fait que seront gratuitement réparés les véhicules hybrides Toyota / Lexus présentant la défectuosité et dans les limites (96 mois / 160 000km) de la garantie prolongée, la période pour pouvoir produire une réclamation ne porte aucune date d’expiration.

Les numéros à composer pour s’informer

Si vous êtes un client de Toyota et que vous rencontrez quelconque difficulté à votre concessionnaire concernant l’application du programme de garantie prolongée, vous êtes invité à communiquer avec le service à la clientèle de Toyota au 1-888-869-6828. Pour les clients de Lexus, le numéro de téléphone est le 1-800-26-LEXUS (1-800-265-3987).

Qu’arrive-t-il une fois la garantie expirée?

Une quarantaine de clients ont tenu à assister, en présentiel ou à distance, à l’audience pour approbation du règlement au début septembre, afin de faire entendre deux principales objections.

D’une part, ils trouvaient trop courtes la période de huit ans et la limite de 160 000 km. Ils demandaient donc à ce que la garantie prolongée le soit, entre autres d’un kilométrage illimité.

À ce, l’Honorable juge Lussier a répondu que pareille requête dépassait «le cadre de l’action, qui demandait que la garantie du câble soit de la même portée que celle du système hybride.» Et c’est ce que stipule l’entente.

«C’est l’angle mort pour les véhicules Toyota usagés, regrette Hugo-Sébastien Aubert, l’un des instigateurs de la page Facebook du groupe Toyota CableGate. Nous avons justement eu connaissance d’un couple de l’Ontario qui a fait l’achat d’un RAV4 2020 avec 190 000 km à l’odomètre. Après quelques semaines, son câble a rendu l’âme… Total de la réparation qu’il a dû assumer: 6490$ avant taxes.»

Jean-Thomas Landry et Hugo-Sébastien Aubert, instigateurs du groupe Facebook Toyota CableGate.
Jean-Thomas Landry et Hugo-Sébastien Aubert, instigateurs du groupe Facebook Toyota CableGate.

Qu’en est-il des véhicules hybrides plus récents?

D’autre part, certains ont demandé à ce que l’entente englobe les véhicules hybrides Toyota et Lexus d’années-modèles 2023 et 2024. Le magistrat n’a pas donné suite à cette requête, expliquant que les véhicules plus récents ne faisaient pas partie de la requête initiale. Il a cependant précisé dans son jugement que ces consommateurs «demeuraient libres d’intenter une nouvelle action collective.»

Ce qu’ils ne feront sûrement pas, puisque de toute manière, la garantie sur le système hybride du fabricant couvre désormais ledit faisceau de câblage à haute tension pendant 8 ans / 160 000 km.

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